UNE COLLINE D’ÉMAUX
Depuis la gare de Paris-Bercy-Bourgogne, nous avons pris le TER en direction de Briare, avant de rejoindre notre amie à Ouzouer-sur-Trézée pour passer quelques jours dans le Loiret. Vélos embarqués, nous arrivons en gare de Briare, à seulement 1 h 28 de Paris. À peine descendus du train, une pause improvisée nous réserve une belle surprise. La petite ville est connue pour son pont-canal métallique, qui permet aux bateaux d’enjamber la Loire. Face à cet ouvrage insolite, nous nous installons pour un petit déjeuner revigorant dans l’ancienne maison éclusière : le Café du Pont. Depuis notre départ, le nom de Briare nous évoque quelque chose, et c’est sur place que nous faisons le lien avec la mosaïque de la manufacture des Émaux de Briare. Fondée en 1851, celle-ci débute par la fabrication mécanisée de boutons et de perles, puis se développe dans la mosaïque à l’époque de l’Art nouveau, ce qui vaut à la ville le surnom de « Cité des Perles ». Toujours en activité, même si elle semble aujourd’hui rencontrer des difficultés, la manufacture dévoile son histoire au sein de l’ancienne maison d’habitation du fondateur, dans le Musée des Émaux et de la Mosaïque et retrace 160 ans d’art industriel. On aperçoit un peu partout dans la ville ces éclats de couleur, jusque sur le fronton de l’église Saint-Étienne, orné d’une grande fresque en mosaïque signée Eugène Grasset, figure majeure de l’Art nouveau. À l’intérieur, le sol, entièrement recouvert de tapis de mosaïques en émaux, représentant des motifs symboliques. On dit d’ailleurs que chaque habitant de Briare possède chez lui des mosaïques, au sol comme aux murs… Mais notre véritable découverte se fait à l’écart de la ville, dans la forêt. Tout près de la manufacture se cache une curiosité unique : une colline entière d’anciens boutons, de carreaux et de mosaïques défectueux, vestiges de décennies de production. Pendant des années, l’usine y a déversé ses ratés, créant un paysage étonnant. Le sol, constitué de kilos de carreaux cassés, brille par endroits et évoque des coquillages enfouis. Des glaneurs fouillent ces strates comme des archéologues amateurs, chacun repartant avec ses petits trésors. Pour nous, ce sera un sac de boutons de tailles et de couleurs différentes — des petits riens abandonnés depuis des années, mais étonnamment émouvants à tenir en main. Nous repartons, fiers de notre trouvaille, à vélo sur la Scandibérique pour rejoindre notre amie.
Et si vous êtes sportifs, il est aussi possible d’y aller à vélo depuis Paris ou Montargis, en suivant la Scandibérique. Comptez environ 207 km depuis Paris — un détour qui vaut vraiment le coup, et qui s’inscrit parfaitement dans la continuité de notre série de cartes postales Ligne R qui vous conduit jusqu’à Montargis. On vous invite à SCANNER – VOYAGER – PARTAGER, et surtout… à garder les yeux grands ouverts.